Un marathon sans ligne d’arrivée : Constat
Et là… Tout s’arrête : Confinement
Période étrange qui nous entraine dans une vie plus ou moins au ralentie, ou tous nos repères explosent telles les bulles d’une crème pâtissière oubliée sur le feu.
Je me suis souvenue de quelques pensées de mon ancienne vie (ma vie d’il y a 3 semaines donc)…
Je me sentais débordée, le temps de ne rien faire, toujours entre deux trains, à courir, à rêver d’un canapé, d’une to-do list vierge, à rêver de pouvoir dormir le matin, d’être à jour dans sa compta, d’avoir le temps de faire un simple gâteau au chocolat.
J’ai souvent eu cette image en tête, celle d’un marathon que je courrais – sans ligne d’arrivée.
Comme si je me prenais une vague énorme dans la figure, que j’avais à peine le temps de reprendre ma respiration et qu’une autre arrivait déjà.
Je dois admettre que je vivais trop souvent en mode pilotage automatique. Allez vite, un train, un métro, un tram, dodo, réveil, bonjour, au revoir, ami, salut, bonsoir.
J’avais l’impression de jongler. De jongler plutôt pas mal et c’était presque grisant de sentir que j’avais le contrôle.
Ce tourbillon me plaisait pourtant. Me plaisait énormément.
Je me sentais intouchable. Ce Corona ne m’aura pas et n’affectera en rien mon travail. Les infos, je les regardais comme tout le monde mais l’écran de Télé faisait barrière. Je ne me sentais pas concernée. Pas de stress ni d’inquiétude.
Puis… C’est la claque. Une bonne claque dans ma figure qui m’anesthésie.
*Comment vais-je faire pour bosser ?
*Qu’est-ce que je vais faire coincée dans cet appartement ?
*Je vais finir par divorcer avant même de me marier si on reste l’un sur l’autre toute la journée…
*Et puis il faut que je surveille mes parents qui sont totalement inconscients, comment ça va se passer ? C’est pire qu’angoissant de se sentir aussi impuissant.
Mon cerveau était en boucle sur des interrogations construites de doutes.
Je me suis mise à regarder les informations plusieurs fois par jour, comme si j’allais trouver la date officielle de la « libération ». Plus je les regardais plus j’étais angoissée, rattrapée par une vérité terrifiante, de témoignages édifiants de malades, de personnels soignants, de médecins, criant tous à la catastrophe. Et j’étais là, assise sur mon canapé, à regarder mes doigts de pieds sans trop pouvoir bouger.
Petit à petit, l’oiseau fait son nid – Craquage
Le confinement m’a petit à petit fait avoir de nouvelles préoccupations.
*Est-ce que j’ai bien ma dérogation sur moi ?
*Est-ce que j’ai du café ?
*Est-ce que si je sors deux fois par semaine faire des courses cela fait de moi une mauvaise personne ?
*Est-ce que je ne profiterais pas de cette opportunité de dingue : « 4 rouleaux de PQ offerts pour 10 achetés »? Finalement on ne sait pas combien de temps va durer ce confinement…
*Quelle case dois-je cocher sur ma dérogation si je porte une paire de basket spéciale « sport » mais que je ne fais pas de sport ?
*Est-ce que j’ai encore assez de café ?
*Est-ce que ma nouvelle règle de lire un livre par jour n’était-elle pas un peu trop ambitieuse ? Suis-je d’ailleurs encore capable de lire ? Ou mon cerveau est-il si ramolli que ça ?
*Est-ce que je n’arrêterais pas quelques semaines de me laver les cheveux ? J’ai vu sur Facebook que tout le monde parlait de la « cure de sébum »…
*Est-ce que je ne rachèterais pas un peu de café ?
*A quoi ça sert que je fasse mon lit le matin puisque je le défait le soir ?
*Pourquoi m’habiller dignement alors que je pourrais enfiler un Jogging et mettre des crocs au pieds » ?
Je sens que potentiellement je peux vrier dans un laisser-aller plutôt flippant…
Et si les humains passaient avant les intérêts économiques pour une fois?
Je me rends compte que l’homme s’habitue à tout. Absolument tout, aux pires choses et c’est cela qui fait qu’il survie.
Pour la première fois de ma vie, j’ai l’impression qu’il se passe un truc de dingue en ce moment. Ce que je vois, c’est la tête de mes voisins qui applaudissent à 20h tous les soirs à leurs fenêtres, on ne s’était jamais vraiment vu.
Les gens découvrent qu’ils vivent avec d’autres personnes à quelques mètres à peine d’eux. J’en fais partie. Je constate avec effroi ma vie d’égoïste, ma vie ou je fonçais, ou je ne prenais pas le temps.
De très nombreuses boites sont sont en train de se casser la gueule, c’est triste, mais finalement ce n’est plus cela qui ressort aux infos. L’économie est en train de passer au second plan.
L’humain, la nature, l’essence même de la vie est en train de reprendre le 1er grand rôle. Un rôle crucial qu’on avait tendance à mettre de côté.
Carpe Diem
Je suis intimement convaincue que cette crise terrible va nous mettre du plomb dans la cervelle. Du plomb qui nous permettra de revoir nos priorités, de nous rendre compte de la vraie valeur des choses.
Je m’inclus à 100% dans ce constat, je m’en veux même d’avoir été aussi aveugle. Sans famille, sans amis, sans amour on est peu. Sans lien nous ne sommes plus rien.
J’espère que l’on arrêtera enfin de supprimer des lits dans les hôpitaux, que l’on arrêtera de sous payer les pompiers, les petits producteurs, les agriculteurs, sans eux nous ne sommes RIEN.
Le travail, le fric, le pouvoir, l’ambition… C’est beau. Mais cela ne vaut plus rien quand on est malade. On se rend compte que nos héros ne sont plus les footballeurs ou les acteurs, mais les infirmiers et médecins, tout le personnel soignant, les agriculteurs… Tout reprend naturellement sa place, et malheureusement il aura fallu que le monde entier soit proche de la banqueroute pour comprendre cela…
Peut-être que ce que nous vivons nous permettra d’ajouter un peu de conscience à nos actes, nos paroles, nos pensées et de profiter un peu plus de chaque jour qui passe.
Carpe Diem.